L’aventure
avec Tenariv se terminait de triste manière, autant pour Jean-Pierre que pour
moi. Jean-Pierre en proie à de grandes difficultés financières avait du se séparer de moi à la fin de 1982.
De mon côté,
toujours en bons termes avec AMR, je renouais avec le passé, en
réintégrant l’équipe. Cependant cette fois-ci avec une différence dans les termes du contrat qui
me liait à la société, différence qui allait revêtir toute son importance dans
les mois qui allaient suivre.
J’étais
salarié, mais salarié à la tâche, c'est-à-dire que nous devions d'abord tomber
d’accord sur le prix que me serait payée telle ou telle maquette, quelque soit
le temps que je mettais à réaliser cette maquette…le côté positif, si cela en
est un : j’avais le loisir de travailler chez moi, ne me rendant à l’atelier de
Grisy-Suisnes qu’une fois par semaine afin de rendre compte de mon travail. Mais
j’allais assez vite me rendre compte que cette façon de concevoir cette nouvelle
collaboration, n' était pas à mon avantage !
Si je
rencontrais un problème qui me freinait dans la réalisation du modèle, que ce
soit de ma faute ou indépendant de ma volonté, le prix fixé au départ restait
inchangé. Résultat, je touchais parfois un « salaire » tous les 2
mois.
Quoiqu’il en
soit, cette nouvelle collaboration allait démarrer de la plus belle manière qui
soit !
AMR
et la Boutique Auto
Moto de Paris avaient décidé de produire les
Ferrari 250P du Mans 1963, et 275/330P de 1964. Et André Marie
Ruf me confiait la réalisation de la maquette ! Une Ferrari ! Ce serait mon
2ème proto en cire de Ferrari, après la 275P 2 1965 pour Tenariv,
faite environ un an et demi plus tôt.
J’avoue que
sur le moment, je ne me rendais pas vraiment compte de la chance qui m’était
donnée, mon principal souci étant de sortir quelque chose qui soit à la hauteur
de ce que pouvaient attendre les collectionneurs de la marque… « Une maquette
qui tienne la route », selon une expression qui était chère à
André.
Nous étions
au début de février et je m’attaquais aussitôt aux
dessins.
Je me
souviens encore du plaisir ressenti à
tenter d’appréhender sur le papier les subtilités des lignes racées du modèle.
Le kit :
Et même si le
résultat final n’est plus aux standards de ce qui peut se faire de nos jours, au
niveau des détails, 30 ans plus tard, ce modèle reste pour moi l’un de ceux pour
lesquels je ressens le plus de fierté…et c’est plutôt
rare.
Malheureusement, trouver des photos d’un très beau
montage est difficile.
Avec la
maquette suivante je passais à quelque chose de plus moderne, c’est le moins
qu’on puisse dire. Gros bonheur aussi de faire cette Porsche Kremer CK5
82-83 ! A mon avis, en ce début des Eighties, l’une des carrosseries
les plus innovantes et réussies chez les
Sport-Protos.
Je restais
chez les Groupe C avec la Porsche 956 et la Sehcar
C 6 des 24 heures du Mans 1983.
Pour la
Sehcar, pas besoin de faire les dessins puisque il s’agissait rigoureusement de
la même carrosserie que la
Sauber SHSC 6 Le Mans 1982 dont j’avais fait la maquette pour
Tenariv 9 neuf mois plus tôt ! Mais je tiens à préciser que je ne partais pas
d’un tirage de Tenariv pour ce modèle, je refaisais une maquette entièrement
nouvelle.
Pour la
Sehcar sortie chez X-AMR, je me permets de lancer un appel : il m’est impossible
à ce jour de trouver le moindre document de ce modèle monté…si quelqu’un avait
ça dans ses vitrines…
Mais cette
fin d’année 1983 se soldait pour moi par 2 Couacs
successifs.
Le
1er était de taille : Minichamps commandait à AMR la Ford Mustang
IMSA GTP, dont on me confiait
la réalisation.
J ’étais totalement emballé par le caractère nouveau et si
particulier de cette carrosserie, et je me jetais sur les dessins.
Puis plein
d’enthousiasme, j’enchaînais sur la cire de la
carrosserie.
Et comme une
mauvaise blague, après quelques journées de travail,on m’annonçait que la
commande était annulée ! Très grosse déception pour
moi !
Il me restait
cette ébauche en cire, déjà bien avancée, d’une maquette qui aurait été
la première Ford
Mustang IMSA GTP produite au
1/43ème….
Puis un
deuxième fiasco survenait aussitôt après avec la Cheetah
G 603, commandée, puis annulée à peine
mes dessins terminés !
La pilule
était un peu dure à avaler car ces 2 « forfaits » successifs me laissaient sans
revenu pendant près de 2 mois !
Minichamps ne
se rattrapait pas vraiment à mes yeux avec l’Opel Bitter SC Coupé de
1984, une maquette, je m’en souviens, faite dans l’appréhension de
devoir l’arrêter à tout moment. Et avec laquelle, apparurent pour la première
fois, entre André et moi des divergences de point de vue sur la façon
d’interpréter les formes et les proportions de
l’auto.
…encore un
modèle dont il est impossible de retrouver la trace en photo ! Si un
collectionneur la possède...please photo, merci.
Etais-je un
peu présomptueux ? Mais après 9 années passées à sculpter des cires, ma vision
de l’interprétation de certaines lignes avait évolué. Et de mon point de vue,
des carrosseries aux formes très classiques comme cette Opel Bitter supportaient
moyennement bien les petites tricheries, voire les exagérations qui
caractérisaient d'habitude avec bonheur la patte AMR.
Avec le modèle suivant, je retrouvais le
sourire et la complicité qui nous avait souvent réunis André et
moi.
Il s’agit de
la Porsche 935 IMSA 1983-84. Je ferai court sur ce modèle : si
j’ai très bien réussi peut-être de 10 modèles en près de 40 ans, cette 935
figure dans le tiercé de tête ! Et je pense ne pas beaucoup me tromper en
affirmant que ce kit a fait plus d’un petit par la
suite.
Les
dessins :
Le modèle :
Malheureusement, de nouvelles différences de vues sur
certains points dans l’exécution du modèle qui suivit viendront compliquer ma
collaboration avec AMR. De nouveau des formes classiques et tendues avec la
Mercedes 500 SLC, et je n’étais pas très d’accord pour
m’éloigner de la réalité.
Je ne dispose
d’aucun document montrant un modèle monté...alors pour la 3ème fois, si
quelqu'une a une photo...
Avec
l’Aston Martin Nimrod le Mans 1984, les esprits se calmaient un
peu, la marque était prestigieuse, je retrouvais sérénité et motivation et je ne
me rappelle pas avoir connu le moindre souci lors de sa réalisation... Ouf
!
Il en découle
un modèle pas très compliqué à faire mais très réussi à mon
avis.
Mais la fin
de l’année 1984 arrivait, cela allait être un tournant pour moi…la maquette de
la Corvette civile 1984 devait être un sujet qu’André tenait
peut-être un peu trop à cœur. Il en découla encore une fois d’incessantes
corrections, parfois injustifiées à mes yeux. Cette Corvette aurait du être pour
le maquettiste que j’étais un merveilleux souvenir, il n’en fut rien, ce fut
tout l’inverse. Pire,ce sera mon dernier modèle réalisé pour AMR. Une page était
tournée.
André Marie
Ruf restera pourtant toujours à mes yeux une exception dans le monde du
modélisme, et ce malgré notre rupture de 1984. Comme bien des personnages doués
d’un immense talent, il pouvait parfois s’avérer difficile et déroutant de le
côtoyer. Bien des personnes se sont trompées à son sujet, moi-même j’avais
parfois du mal à le comprendre. C’était un homme entier, qui disait ce qu’il
pensait et faisait ce qu’il disait. Un homme qui cachait sa sensibilité et une
certaine dose de timidité derrière cette espèce de
carapace.
Il ne se
passe pas un jour sans que je ne repense à lui.